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Relations Turco-arméniennes : à deux mois de la commémoration du génocide, le dialogue peut-il reprendre ?

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Le président arménien Serge Sargsian a retiré du Parlement le 16 février dernier les protocoles sur la normalisation des liens et l’établissement de relations diplomatiques avec la Turquie. La raison avancée sont les dernières bravades du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Se dirige-t-on vers une aggravation de la situation ?

Alors que des progrès semblaient avoir été faits en 2014, le torchon brule désormais entre le président turc Erdogan (à gauche) et le président arménien Sargsian (à droite).
Alors que des progrès semblaient avoir été faits en 2014, le torchon brule désormais entre le président turc Erdogan (à gauche) et le président arménien Sargsian (à droite).

« Réponse irrespectueuse », « intention grossière », les accusations s’échangent entre Erevan et Ankara depuis le début de l’année. Pourtant la situation il y a 6 ans avait l’air de s’améliorer. A Zurich le 10 octobre 2009 étaient signés les protocoles sur la normalisation des liens et l’établissement de relations diplomatiques avec la Turquie. Le but était d’ouvrir la frontière entre l’Arménie et la Turquie. En avril 2014, Erdogan avait même offert des condoléances sans précédent aux descendants des familles arméniennes massacrées en avril 1915. Mais depuis le début de l’année et avec l’approche du centenaire du génocide la tension monte. Tout a commencé fin janvier 2015 avec l’invitation, envoyée par Erdogan à Sargsian, pour assister le 24 avril prochain à la commémoration de la bataille de Gallipoli. Or cette date est justement celle de la commémoration du génocide arménien. Le président arménien a alors accusé Ankara de vouloir faire diversion alors que la bataille de Gallipoli s’est déroulée sur plusieurs mois et que n’importe quelle autre date pouvait donc être choisie par la Turquie pour commémorer la campagne.

Le président Sargsian a donc répondu début février dans une lettre ouverte pour dénoncer ce procédé et a rappelé qu’Erdogan n’avait pas répondu à son appel de venir pour les commémorations du génocide arménien de 2014 : « Il n’est pas coutume, chez nous, de se rendre chez des hôtes qui ont dédaigné de répondre à notre propre invitation ». L’Arménie organisera les 22, 23 et 24 avril prochains des conférences et cérémonies de recueillement pour marquer le centenaire. Erdogan, lui, accuse la diaspora arménienne de profiter de ces commémorations pour nuire à la Turquie. Il a aussi rappelé que son pays combattrai toute tentative de faire reconnaître aux massacres le statut de génocide et qu’il sanctionnerait tout pays punissant la négation de ce terme. Cela n’empêchera pas de nombreux chefs d’Etats et de responsables politiques d’aller assister aux commémorations.

Dans le contexte de chaos actuel au Moyen Orient et au Maghreb, la volonté persistante d’Erdogan de faire de la Turquie le centre d’une sphère d’influence ottomane sur la région explique ces sorties.

En effet, ce génocide est un boulet pour un pays qui tente de plus en plus de s’affirmer comme le centre de la région et qui se rapproche de nombreuses factions islamistes, notamment en Libye, et qui joue double jeu avec les occidentaux au sujet de Daesh. La répression de l’opposition démocratique, de la presse, l’affirmation d’un mélange entre islamisme et politique ainsi qu’un certain culte de la personnalité et des ambitions fréquemment mégalomanes achèvent de classer le régime d’Erdogan dans la catégorie des démocraties autoritaires qui n’ont plus grand-chose de démocratique, comme la Russie. Dans cette ambition affichée depuis plus de dix ans il n’y a pas de place pour la repentance perçue comme de la faiblesse et cette position se radicalise avec le chaos actuel duquel la Turquie espère tirer les marrons du feu.

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